lundi 15 avril 2019

En Finlande, les sociaux démocrates battent l’extrême droite sur le fil (15.04.2019)

   

En Finlande, les sociaux démocrates battent l’extrême droite sur le fil
L‘ex-leader syndical Antti Rinne devance de peu le parti xénophobe des Vrais Finlandais.
C’est une nuit électorale à suspens qu’a vécue la Finlande, entre dimanche et lundi, et qui s’est conclue par une victoire sur le fil pour les sociaux-démocrates. Le parti de l’ex-leader syndical Antti Rinne réunit 17,7 % des voix. Mais juste derrière, à 17,5 %, figurent les Vrais Finlandais, l’extrême droite menée par Jussi Halla-aho. 
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Le leader de la gauche, qui espérait ce retour au pouvoir depuis vingt ans, s’est félicité que «les sociaux-démocrates (soient) le parti du premier ministre», même si son score est moins élevé qu’attendu. Celui qui affichait le sourire le plus large, en effet, était bien de l’autre bord politique: «Personne ne s’attendait à cela», s’est réjoui Jussi Halla-aho, forçant son caractère, qu’il qualifie lui-même de «monotone», en lançant déjà un premier avertissement: «Nous sommes ouverts à une coopération avec tous les partis, mais pas à n’importe quel prix. Nous n’entrerons pas dans un gouvernement qui ne s’engagera pas à réduire cette immigration qui nuit à la Finlande.»
« L’époque où les trois grands partis alternaient entre gouvernement et opposition est finie. Cette fois les négociations vont être très difficiles, tout peut arriver »
La politologue Sini Korpinen
Pour les Vrais Finlandais, cette victoire a tout d’une divine surprise. Il y a encore quelques mois, le parti d’extrême droite était considéré comme moribond. Il s’était scindé en deux après être entré au gouvernement, en 2017. Puis l’aile la plus radicale avait été récupérée par Jussi Halla-aho, linguiste au crâne dégarni, d’allure timide, mais beaucoup plus virulent dans son blog, qui lui a valu une condamnation pour incitation à la haine raciale. De parti populiste modéré, les Vrais Finlandais sont alors passés à un discours nationaliste et anti-immigration.
Seuls 6,6 % des 5,5 millions d’habitants sont nés à l’étranger, mais les Vrais Finlandais ont profité d’une série d’agressions sexuelles qui auraient été le fait d’immigrés, l’hiver dernier, pour prendre leur envol. À l’image de Donald Trump, ils dénoncent aussi «l’hystérie climatique» en s’opposant par exemple à une nouvelle taxe sur la viande. Un virage extrémiste, donc, mais qui n’a pas empêché ce parti de faire un score historique, à seulement 6 800 votes du leader.
Ce poids nouveau de l’extrême droite, en tout cas, ne va pas contribuer à éclaircir la situation politique. Il y a un peu plus d’un mois, le premier ministre Juha Sipilä, partisan de l’austérité et des privatisations, avait démissionné en raison de son incapacité à réformer le système de protection sociale. L’ancien chef d’entreprise, qui a fait fortune dans les nouvelles technologies, avait prévu de diminuer de trois milliards les dépenses de santé sur les dix prochaines années. Mais la sanction est tombée: avec moins de 14 %, son Parti du centre perd plus de six points.
Les Finlandais ne lui ont pas pardonné les scandales qui se sont multipliés dans des maisons de retraite gérées par des entreprises privées, ainsi que ses coupes budgétaires. «C’est à partir de ces affaires, très médiatisées, que les sociaux-démocrates ont commencé à se détacher», fait remarquer l’universitaire Teivo Teivainen. La population de ce pays souvent qualifié de «plus heureux du monde» est aussi inquiète pour ses écoles, aux premières places des classements internationaux, et auxquelles le précédent gouvernement demandait aussi des économies.

Présidence tournante

Les sociaux-démocrates ont promis de tourner la page, de mettre fin à l’austérité, mais avec qui mener cette politique? C’est tout l’enjeu des tractations qui vont commencer et pour lesquelles l’ancien syndicaliste Antti Rinne devra montrer ses qualités de négociateur. Il n’a qu’un seul siège de député de plus que les Vrais Finlandais.
L’appui des alliés naturels que sont les Verts et la gauche plus radicale, qui ont fait de bons scores, ne suffira pas. Car pour la politologue Sini Korpinen, les temps ont définitivement changé: «L’époque où les trois grands partis alternaient entre gouvernement et opposition est finie, constate-t-elle. Cette fois les négociations vont être très difficiles, tout peut arriver.»
Antti Rinne, qui veut former un gouvernement «avant fin mai», a prévu de parler à «tous les partis», même s’il s’interrogeait hier sur la compatibilité de ses «valeurs» avec celles des Vrais Finlandais.
Lundi, tous les quotidiens du pays s’accordaient sur le fait que ces négociations, au sein d’un Parlement où aucun parti n’a fait plus de 20 %, seraient difficiles. Leur issue sera en tout cas suivie de près. Et pas seulement en Finlande, car c’est ce pays, à partir du 1er juillet prochain, qui assumera la présidence tournante de l’Union européenne.

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