Julien Lannes : Parmi la multitude d'idées reçues qui viennent aujourd'hui entacher, souvent volontairement, l'histoire de France, il y en a une qui a particulièrement la vie dure : la France aurait pillé économiquement ses colonies.
On nous présente donc une Afrique saignée à blanc par l'ogre français ; une Afrique qui aurait ainsi vu, par la même occasion, son développement fortement retardé.
Une thèse aussi grotesque que malhonnête, d'autant que la vérité historique nous montre... tout le contraire !
Lien de la vidéo : https://youtu.be/OUMgL_kI2G4
Introduction
Parmi toutes les idées reçues qui circulent sur l'histoire de France - et croyez-moi, il y en a un paquet - il y a une qui est particulièrement tenace et qui consiste non seulement à culpabiliser la France sur son passé colonial mais surtout à affirmer que la France a pillé ses colonies et du coup c'est forcément pour ça que l'Afrique est en retard, c'est parce que les vilains Européens leur ont tout volé.Enfin, ça, c'est ce qu'on nous dit, parce que comme souvent c'est bien gentil, ça part d'un bon sentiment, mais... c'est tout, c'est tout, et surtout parce que c'est faux et c'est même tout le contraire, et c'est ce qu'on va voir dans cet épisode.
Globalement, l'empire colonial français à travers toute son histoire, c'est ça.
C'est pas mal, hein, quand même ? Mais nous, ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est plutôt ça :
Vous voyez, c'est en gros la période coloniale où on avait le Maghreb, l'Afrique Occidentale (A.O.F.), l'Afrique Équatoriale (A.E.F.), Madagascar et l'Indochine. Mais l'Indochine n'est pas concernée par la repentance ni par notre sujet, donc écartons-la.
La France s'est lancée dans le processus de colonisation sous l'impulsion de la gauche républicaine (petite précision, c'est gratuit ; on va y revenir mais pas dans cet épisode-là). La France s'est lancée dans la colonisation de l'Afrique à partir de 1830 sous Louis-Philippe pour l'Algérie, puis sous la Troisième République en ce qui concerne l'Afrique occidentale et équatoriale.
Je ne vais pas vous faire une histoire de la colonisation, ce n'est pas le but de l'épisode. Le but aujourd'hui, c'est de revenir sur les mensonges qui sont proférés sur cette période historique et d'en dresser le véritable bilan.
Les sources
Pour ce faire, je me suis basé principalement sur trois sources.
La première, c'est l'historien Daniel Lefeuvre qui a écrit un ouvrage qui s'appelle Pour en finir avec la repentance coloniale dans lequel il démonte les idées reçues sur la prétendue brutalité hors norme de la colonisation - car certains font de cet épisode un précurseur du nazisme, hein, oui, oui... un précurseur du nazisme - et les mensonges qui circulent au sujet de la période coloniale en général. Bon, pour le côté brutalité, nazisme, ça, ça va être vite réglé.
La deuxième source, c'est le spécialiste d'histoire économique Jacques Marseille qui a dressé un bilan méticuleux de l'entreprise coloniale, et c'est là qu'on va voir justement qu'on est à mille lieues de ce qu'affirment les repentants en disant qu'on a pillé l'Afrique.
La troisième source, c'est Bernard Lugan. En plus d'être un grand connaisseur de l'Afrique, il a aussi cet esprit mousquetaire qu'on aime beaucoup. Voilà, trois sources, et avec ça, franchement, je pense qu'on devrait être pas mal.
La colonisation comme précurseur du nazisme ?
Bon alors, commençons par la première absurdité qui consiste à voir la colonisation comme précurseur du nazisme. Oui, je sais, c'est débile mais c'est un discours qui a été tenu, notamment par le président algérien, enfin ce qu'il en reste, Bouteflika. Et même Macron a parlé de crime contre l'humanité. Donc, bon, il y a des choses à dire.
On va faire vite, parce que je crois qu'on est tous d'accord. Premièrement, c'est un anachronisme qui, comme tous les anachronismes, est profondément débile. Deuxièmement, la conquête de l'Algérie s'est faite progressivement après la prise d'Alger en 1830. Les Français se sont cantonnés sur le littoral, c'est tout, et ensuite, c'est quand Abdelkader a lancé sa première grande croisade, guerre sainte contre les Français que les Français se sont aventurés dans les terres et que la guerre a commencé et la conquête. Et enfin on nous parle d'atrocités, d'horreurs de la guerre pour ce qui est de la conquête et même pour la guerre d'indépendance algérienne. Ben moi je ne réponds qu'une chose : oui, mais comme dans toutes les guerres, en fait. La conquête de l'Algérie n'a pas été plus ou moins brutale que, je sais pas, la guerre de Crimée ou bien les guerres de la coalition (guerres napoléoniennes). Bref, deux mots à retenir : anachronisme débile, pour l'Algérie comme pour toutes les autres conquêtes françaises coloniales d'ailleurs, bref, chapitre clos.
La France a-t-elle pillé ses colonies ? Non, c'est l'inverse. Les recherches de Jacques Marseille sur le bilan économique global.
Maintenant qu'on a fait cette petite mise au point, parlons du sujet principal qui est le plus intéressant : la France a-t-elle pillé ses colonies ? et c'est là qu'intervient Jacques Marseille et l'histoire est assez amusante. Jacques Marseille était un étudiant communiste et il s'est intéressé à ce sujet pour sa thèse de doctorat. Il a commencé avec une idée en tête : prouver que la méchante France capitaliste avait pillé ses colonies et devinez quoi ? Il va découvrir que c'est tout l'inverse, tout simplement.On peut d'ailleurs salué son honnêteté intellectuelle sur le coup parce qu'en général quand on est idéologisé fortement et qu'on découvre l'inverse de ce qu'on veut démontrer, soit on accepte les faits soit on entre dans le déni et on en fait une carrière bien rentable, et il y en a beaucoup qui ont choisi la deuxième voie.
Bref, pour se convaincre que la France n'a pas pillé ses colonies, il suffit tout simplement de faire un bilan économique, c'est ce qu'a fait Jacques Marseille qui a finalement évalué à 70 milliards de francs-or le déficit global de la colonisation française. 70 milliards de francs-or de déficit, c'est trois fois le montant de l'aide américaine du Plan Marshall. Franchement, comme pillage, j'ai connu mieux, ou alors c'est un pillage complètement foiré.
Alors, certes, la colonisation a enrichi certaines personnes, des entrepreneurs aventureux, des entreprises spécialisées, certains milieux d'affaires, mais globalement le constat est accablant : la colonisation a plombé l'économie française pendant des décennies et a même retardé sa modernisation, son entrée dans la compétition internationale, dans la mondialisation. Donc voilà pour ce qui est des faits et des chiffres.
Mais pourquoi la France est-elle sortie perdante de sa propre entreprise coloniale ?
Maintenant on peut se demander : mais pourquoi, pourquoi la France est-elle sortie perdante de sa propre entreprise coloniale ?Et bien tout d'abord parce que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, dans la majorité des cas la France achetait les matières premières coloniales au-dessus des prix mondiaux.
Prenons l'Algérie par exemple qui était notre premier client. En 1961, la France achetait les produits algériens plus de 50% plus cher qu'elle les achetait ailleurs, tout ça uniquement parce que c'était notre colonie et qu'on la privilégiait par rapport au marché mondial, mais à perte. Et le vin algérien, ça aussi c'est un bon exemple, on le payait 25% plus cher, et pire le vin algérien qu'on importait en France, eh bien il venait concurrencer directement les viticulteurs du Midi qui étaient déjà en surproduction.
Et tout ceci sans parler des aides colossales que la France devait verser à l'Algérie pour assurer sa solvabilité. Donc tu parles d'un premier client ! Et pour les autres, c'est pareil !
Les importations en provenance des colonies ont été totalement marginales. En 1913, le coton des colonies représente 0,1 % des importations françaises de coton, la laine des colonies représente 3,2 % des importations françaises de laine et la soie des colonies représente 0,2 % de la totalité de la soie importée par la France. Le reste, ça venait d'ailleurs. Et le charbon, qui était vital pour notre économie à cette époque-là, n'était même pas produit dans les colonies à l'exception de l'Indochine.
En bref, dans la plupart des cas, les colonies ont représenté pour la France un déficit commercial clair et surtout un poids sur le marché.
Ensuite, en plus de ça, pourquoi la France est-elle sortie perdante ? Eh bien, la réponse est simple comme la naïveté républicaine. Les Français sont allés en Afrique pour ouvrir de nouveaux débouchés commerciaux, certes, et prendre le dessus sur leurs concurrents européens, certes, mais la République s'était également donné ce qu'on appelle la fameuse mission civilisatrice ou plutôt mission civilisatrice des races supérieures comme la Gauche l'a appelée. Oui, oui, c'est bien la Gauche qui l'a appelée comme ça, et ça, on y reviendra dans un épisode consacré à ce sujet.
Déjà, pour mettre en place ces fameux débouchés, il a fallu a priori créer des infrastructures sur place puisqu'il n'y avait rien, on ne le rappelle jamais assez. Mais ensuite, mission civilisatrice oblige, la France a dû créer des écoles, des hôpitaux, former des médecins, etc., etc. Ce sont les fameux bienfaits de la colonisation dont il est strictement interdit de parler. Mais nous on va en parler, évidemment.
Donc parlons-en de ces fameux bienfaits. Et là, juste sur le plan matériel, quand la France s'est totalement retirée, vers 1960, elle a laissé en Afrique 2000 dispensaires, 600 maternités, 220 hôpitaux, 18.000 km de voies ferrées, 215.000 km de pistes praticables, 50.000 km de routes bitumées, 63 ports, 196 aérodromes, 16.000 écoles primaires et 350 collèges et lycées. Et là moi franchement je dis qu'il y a pire comme séparation. En gros, c'est un divorce où le mec se barre en laissant tout à son ex-femme, le chien, la télé, la voiture, la maison, enfin tout.
Le cas algérien
Et c'est pareil pour le cas précis de l'Algérie où là on va faire intervenir directement Bernard Lugan puisqu'on voit l'indépendance de l'Algérie, quand on n'a pas trop réfléchi à la question, comme la révolte d'un pays, occupé par un méchant colonisateur, qui soudain se libère de ses chaînes. Mais c'est faux !Avant que la France n'arrive, l'Algérie n'existait pas. Rien que le mot "Algérie" est une création française. L'Algérie, cette région, c'est une ancienne colonie ottomane qui n'avait ni structure ni frontière ni cohérence ni rien. La France a tout créé en Algérie : les routes, les infrastructures, tout.
Et puis surtout, on leur a donné le Sahara qu'il n'avait absolument pas à la base.
Et je vais laisser parler Bernard Lugan pour donner plus d'éloquence à ce propos. Alors je cite Bernard Lugan : "En 132 années de présence, la France créa l'Algérie, l'unifia, draina ses marécages, bonifia ses terres, équipa le pays, soigna et multiplia ses populations, lui offrit un Sahara qu'elle n'avait jamais possédé après avoir découvert et mis en exploitation les sources d'énergie qui font aujourd'hui sa richesse." Voilà, je pouvais pas mieux le dire.
En 1830, la population de l'Algérie était en dessous du million d'habitants. Quand on est parti en 1962, elle était rendue à 12 millions. Là aussi, on a fait mieux comme génocide, M. Macron.
Après, là, je vous ai uniquement parlé de ce que la France a laissé comme infrastructure et du bilan économique global mais on pourrait aussi parler pour l'Algérie comme pour tous les autres pays de ce que la France a fait en termes de vaccination, de mortalité infantile, d'éducation. C'est simple, quand la France quitte l'Afrique, elle laisse deux millions d'enfants scolarisés dont les professeurs formés sont à 96 % africains. Faut pas déconner, quand même.
Le pire dans tout ça, on l'a vu maintenant, c'est que les colonies ont plus qu'affaibli la France économiquement, mais ensuite la décolonisation a créé sur place un sacré bordel.
Parce qu'on pourrait se dire, vu tout ce qui a été mis en place et laissé en place, que les ex-colonies avaient toutes les clefs en main pour réussir.
Eh ben, non. À Madagascar, par exemple, au moment de l'indépendance de la colonie, son autosuffisance était totalement assurée et stable, aucun problème. Et maintenant, c'est la corruption, la famine, la ruine économique et même depuis 2014, la peste.
Et pour les autres, c'est le même constat globalement. Soixante ans après, le PIB par habitant des anciens pays colonisés est inférieur à celui qu'ils avaient avant leur indépendance et ça, c'est comme les chiffres de Jacques Marseille, c'est implacable.
Conclusion
Donc pour résumer, parce qu'il faut bien résumer dans ce fouillis :1) La colonisation était un poids économique pour la France évalué à 70 milliards de francs-or par Jacques Marseille.
2) La colonisation française n'a pas été particulièrement barbare ou annonciatrice de la Shoah, elle a juste été une conquête avec ses guerres, ses morts, ses tragédies, donc voilà, il faut arrêter les anachronismes.
3) Les fameux bienfaits de la colonisation sont bien réels, ils ont été colossaux en matière d'infrastructures, de santé, d'éducation - c'est interdit de le dire mais je le dis quand même.
4) En guise de petit bonus gratuit, c'est la colonisation qui a mis fin à l'esclavage en Afrique, l'esclavage qui était encore pratiqué sur les populations noires à cette époque par les arabo-musulmans, et ça, je vous renvoie à l'épisode justement sur la traite orientale.
Donc voilà les quatre leçons principales à retenir de cet épisode et puis si ça plaît pas, tant pis, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
D'un autre côté, on pourrait se demander pourquoi, malgré tous ces faits précis, statistiques, etc., il existe encore en France cette idée reçue et cette mentalité de repentant qui n'existe par exemple pas ou très peu en Angleterre. Eh bien, pour comprendre ça, pour comprendre pourquoi ces mensonges circulent encore, je vais vous citer Bernard Lugan parce que c'est simple, concis et efficace : "Le corps enseignant est décérébré et nos hommes politiques n'ont rien au fond de la culotte."
Petite bibliographie
Bernard Lugan, Entretien avec Bernard Lugan au sujet de son dernier livre : “Algérie, l’histoire à l’endroit” (Stratpol, 15.05.2017)Daniel Lefeuvre, La colonisation : une bonne affaire ? (2007)
Jacques MARSEILLE, «Le colonialisme, une bonne affaire économique ?», Vingtième
Siècle, revue d'histoire, n° 4, octobre 1984, p. 39-48 ; repris sur le
site Contrepoints, 2 juin 2014. Le même article repris également sur le site La
synthèse on line, 3 juin 2014.
Peter Columns, La France ne s'est pas construite sur le pillage des matières premières de l'Afrique (Adoxa, 26.11.2018)
Guy de Rambaud, Les esclaves français des Maures et des Turcs
Bernard Lugan, Algérie au risque de l'Histoire : La berbérité et l'Algérie coloniale, Colloque du 7 novembre 2016 sur l'Algérie (Bernard Lugan)
Lila
N importe quoi .qui pillent l afrique.qui a colonisés l Algérie.le mali.etc …
Lisianthus
Ce sont les Arabes qui ont colonisé le Maghreb et converti de force les pauvres Maghrébins à l’islam, source de leur malheur !!!
JSG
La Kahena, ça lui dit quelque-chose à Lila ?
Et les barbaresques, dont les expéditions pour récupérer des esclaves sur les côtes françaises, qui partaient d’Alger, ça lui parle aussi à Lila ?
Cette inculture généralisée est la base de la haine qui s’installe !
Marie-Claire Bero
Ah le pillage de l’Afrique. 100% des technologies présentes sont amenées ou assemblées sur place par des occidentaux. 100% des grandes infrastructures de transport, d’énergie et de communication ont été construites et sont entretenues par les Occidentaux donnant du travail à des régions entières. Ces pays européens ont largement effacé les dettes de ces constructions et même financent des infrastructures, TGV marocain, métro d’Abidjan, digues au Sénégal. Macron a donné 10 milliards de nos impôts à divers pays africains. Une bonne partie des ressources de l’Afrique vient de l’argent des africains installés en Europe et qui renvoient au pays plusieurs centaines de milliards chaque année.
Aucune invention scientifique ou technique majeure n’est issue de ce continent dont la totalité des technologies est dépendante des entreprises occidentales ou asiatiques. Que cela se fasse en échange de matières premières est la moindre des choses, cela s’appelle du commerce. Nous achetons aussi du pétrole aux Russes, exactement au même prix qu’en Afrique, selon des prix fixés par l’OPEP et personne ne nous accuse de piller la Russie. Savoir aussi que la quasi-totalité des élites africaines sont venues apprendre et acquérir leurs diplômes dans les universités européennes et très souvent, avec des bourses européennes versées par le contribuable.
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