mercredi 3 avril 2019

Bientôt la fin de l’Amérique blanche

En 2060, il pourrait n’y avoir plus que 43% d’Américains blancs (caucasiens). Une évolution démographique qui implique de profondes mutations
Les Blancs seront bientôt minoritaires aux Etats-Unis. D’ailleurs, les nouveau-nés blancs le sont déjà. En 2015, plus de la moitié des bébés nés sur sol américain appartenaient à des minorités ethniques, alors que 80% des décès enregistrés cette année-là étaient des Américains blancs. Le visage de la société américaine va connaître de profonds changements ces prochaines décennies. C’est ce qui explique en partie le regain du mouvement des suprémacistes blancs, inquiets de perdre en influence. Et le succès de Donald Trump, qui a su capitaliser sur les frustrations de la classe ouvrière blanche, affectée par la désindustrialisation, la mondialisation et la venue d’immigrants latino-américains.

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Le poids de la communauté hispanique

L’enquête du Pew Research Institute «The Next America», publiée fin 2014, rappelle que, en 1960, 85% des Américains étaient blancs, un chiffre qui selon les prévisions devrait chuter à 43% en 2060. «Nous avons été un pays noir et blanc, nous sommes maintenant un pays arc-en-ciel», souligne Paul Taylor, l’auteur de l’étude. Dès 1965, près de 40 millions d’immigrants – la moitié en provenance d’Amérique latine, et un tiers d’Asie – sont venus bouleverser la composition démographique des Etats-Unis, habitués jusqu’alors essentiellement à une immigration européenne. Les mariages mixtes ont le vent en poupe. Ils étaient moins de 5% en 1960; le chiffre a triplé en 2010.
Lors du dernier recensement fédéral de 2010, les Blancs étaient encore 63,7%, les Hispaniques et Latinos 16,7%, les Noirs 12,3%, les Asiatiques 4,7%, les métis non hispaniques 1,9% et les Amérindiens 0,7%. Grâce à un taux de natalité élevé, la communauté hispanique est celle qui croît le plus rapidement, et avec elle sa culture, sa langue et la religion catholique. En 2017, elle est même responsable de 50% de la croissance démographique américaine. Sur les 52 millions de Latinos aux Etats-Unis, près de 14 millions vivent en Californie. Donald Trump ayant les 11 millions de clandestins sur sol américain dans le collimateur, ces chiffres pourraient encore évoluer. Ils doivent également être pris avec des pincettes, car les catégories raciales restent subjectives et poreuses.

Des besoins en soins grandissants

Cette évolution relance la question de l’identité américaine et de la cohabitation des différentes communautés. Le melting-pot américain est en permanence passé au shaker. Récemment, l’affaire Colin Kaepernick, star du football américain devenu paria pour s’être agenouillé pendant l’hymne national, a relancé une polémique. Son comportement visait avant tout à protester contre les violences policières à l’égard des Noirs. Mais la réaction de Donald Trump, qui a dénoncé avec des mots crus un irrespect face au drapeau et à l’hymne américains, a ravivé les tensions avec la communauté noire. Le président américain a cherché à électriser son électorat blanc républicain gêné par le nouveau visage métissé de l’Amérique, en mettant l’accent sur le patriotisme.
Pour Kenneth M. Johnson, démographe et professeur de sociologie à l’Université du New Hampshire, cette évolution démographique aura des conséquences majeures. La population blanche, vieillissante, sollicitera davantage le système des soins et des retraites, alors que les jeunes, toujours plus métissés, nécessiteront l’investissement de moyens financiers supplémentaires dans l’éducation pour que les Etats-Unis puissent maintenir une main-d’œuvre productive et compétitive. «Avec une population blanche qui vieillit et une population jeune toujours plus métissée, toutes deux avec des besoins qui se font concurrence du point de vue des budgets fédéraux, il y aura un potentiel de conflits majeurs s’agissant des priorités à accorder en matière de financement», souligne le géographe au Temps.

Morts prématurées chez les Blancs

Cette évolution ne le surprend pas, même si elle est arrivée plus vite que prévu. «La grande récession (crise économique des années 2007-2012, ndlr), qui a fait chuter le taux de natalité, a accéléré le déclin de la population blanche», dit-il. Les Blancs font moins d’enfants et vieillissent, mais, désormais, ils meurent également davantage de façon prématurée. Une étude publiée en 2017 par Angus Deaton, Prix Nobel d’économie, et sa femme Anne Case, de la Brookings Institution, révèle des résultats intéressants. Le taux de mortalité est en augmentation au sein de la population blanche, en particulier en raison de la crise des opioïdes, dévastatrice aux Etats-Unis. Cette «surmortalité» résulte également de maladies du foie et de suicides.
Selon le couple d’économistes, qui a déjà constaté ce phénomène dans une précédente étude, seule l’épidémie du sida avait engendré une progression si rapide. En 1999, le taux de mortalité chez les Blancs non hispaniques de 50 à 54 ans était 30% inférieur que chez les Noirs du même âge, mais la tendance s’est totalement inversée en 2015. Une étude publiée dans la revue scientifique The Lancet confirme que le taux de mortalité chez les Noirs baisse chaque année de près de 4%.

Les inégalités sociales se creusent

Il y a quelques jours, Lael Brainard, gouverneure de la Réserve fédérale américaine (Fed), s’est alarmée de l’impact des inégalités sociales grandissantes aux Etats-Unis, qui affectent le potentiel de croissance de la première économie mondiale. Elle l’a souligné lors d’un discours à Washington. Une nouvelle étude de la Fed démontre que la part des revenus américains détenus par le 1% de ménages les plus riches a atteint 24% en 2015 contre 17% en 1988. La part du patrimoine, elle, s’affiche à 39% pour cette même catégorie, contre 30% en 1988. Le taux de chômage reste deux fois plus élevé chez les Noirs (7,7%) que chez les Blancs (3,9%), autre source d’inquiétude si l’on s’en tient aux prévisions démographiques pour le pays. Mais sur ce point, Lael Brainard se veut un brin rassurante: cet écart est en diminution. Il s’agit même du plus bas depuis le milieu des années 1970.

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