mercredi 31 juillet 2019

Echec des sociétés « multiculturelles » : le philosophe Raymond Polin avait raison ! (30.06.2019)

Echec des sociétés « multiculturelles » : le philosophe Raymond Polin avait raison ! Extraits
Raymond Polin (1910-2004) proclame la pluralité des histoires humaines. Il y a des histoires, souligne le philosophe, parallèles et différentes, construites autour de valeurs propres, chacune constituant une œuvre singulière.
Mais la concurrence entre les cultures entraîne, en cette fin de siècle, un état de guerre qui ne demande qu’à se généraliser. Dès lors chacune a le devoir de défendre ses valeurs propres, la culture occidentale ne devant pas être la dernière.
On se rappelle la campagne contre l’alcoolisme : « Un verre ça va, trois verres, bonjour les dégâts ! »
Transposons à notre sujet du multiculturalisme, cela donne : « Un étranger, ça va, toute une communauté, bonjour les dégâts ! »

Voici un extrait, dans un langage abordable, d’un essai de Raymond Polin paru aux Presses universitaires de France en 1993.
L’un des plus graves problèmes qu’affrontent les Etats d’Occi­dent, c’est la constitution de sociétés dont on peut se demander si elles ne vont pas devenir de plus en plus des sociétés que l’on affuble déjà du qualificatif de multiculturelles.
((Un -ou quelques- étranger(s) ça va…)))
Que des personnes, que quelques personnes appartenant à des cultures différentes, et même très hétérogènes, puissent entrer en dialogue et discuter de problèmes humains, traiter d’affaires sur des règles convenues et établir des contrats, leurs rapports entre eux tout extérieurs et très limités sont affaires de bonne volonté et de bonne foi de la part des protagonistes.
Que des étrangers viennent individuellement ou en groupes non concertés, visiter un pays, y séjourner plus ou moins longue­ment pour affaires ou par agrément, il faut à cette bonne volonté et à cette bonne foi entre gens du pays et étrangers ajouter, pour ceux-ci, le respect des lois et coutumes du pays d’accueil ainsi que les moyens de faire face aux frais de ce séjour. Ce peut être l’occa­sion d’un cosmopolitisme de bon aloi, capable parfois de s’avé­rer très fructueux.
Il peut même arriver qu’un étranger vienne s’installer avec sa familledans un pays qui lui plaît, y résider de façon défini­tive, y prendre un travail, tout en gardant son statut d’étranger. S’il a les aptitudes et les moyens pour le faire, les mêmes dispo­sitions suffisent.
Dans tous ces cas, qui sont tous des cas individuels et isolés, les étrangers à la communauté d’accueil ont entre eux et avec les gens du pays des relations de type privé fondées sur la bonne volonté, la bonne foi, le respect des lois et coutumes régnantes, un respect qui tend à valoir peu à peu assentiment et adhésion.
(((Des communautés qui font intrusion…bonjour les dégâts)))
Tout change, en revanche, et pour trois raisons, si l’on envi­sage le cas où, dans le cadre d’une communauté culturelle poli­tique préexistante, dans un Etat-nation moderne à l’occidentale, viendraient s’installer, en continuant à pratiquer leurs propres valeurs et leurs propres coutumes, des communautés culturelles fortement hétérogènes et continuant à vivre en blocs.
Notons d’ailleurs que cette immigration systématique ne se passe jamais ainsi : ce sont des individus qui arrivent et s’installent isolément en avant-garde, et auprès desquels, peu à peu, s’agglomèrent d’autres individus, puis leur famille et leurs proches, jusqu’à for­mer une communauté de fait rassemblée sur des lieux occupés et progressivement accaparés.
D’abord parce que ces communautés font intrusion dans un Etat : elles et leurs membres prennent des positions politiques. Ce ne sont pas simplement des sujets de droit, mais des citoyens et des collectivités de citoyens qui interviennent comme tels dans la vie et la politique du pays d’accueil.
Ensuite parce que ces communautés, développées à partir de flux migratoires massifs, provoquent des effets d’envahissement, d’invasion. Elles s’imposent comme d’encombrantes minorités, formant des groupes de pression puissants, et d’autant plus que leurs dimensions s’accroissent.
Enfin, parce que ces communautés veulent se constituer en ensembles solidaires autour de manières de vivre attachées scru­puleusement à leurs traditions religieuses, morales et même juri­diques. Bien loin de tenter de résoudre leurs problèmes en s’efforçant de s’assimiler, ils insistent sur leurs différences, ils veu­lent faire triompher leurs particularités et les répandre autour d’eux. Aux réactions pénibles qu’ils provoquent, ils répondent par la mauvaise volonté, la mauvaise foi, l’intolérance.
En exaltant leurs différences et leurs incompatibilités cultu­relles, ils rendent plus difficiles encore toutes les tentatives de compréhension réciproque, préviennent tout essai de conciliation, d’autant qu’il ne s’agit pas seulement de compréhension entre individus, mais de compréhension, ou simplement de tolérance, entre multitudes indéterminées. Ils vivent entre deux cultures, déracinés, marginalisés, de plus en plus mal supportés par la population environnante, qui ne voit en eux que des parasites et des incapables. Ils se trouvent eux-mêmes perdus d’incompréhen­sion, désespérés, et bientôt révoltés à la fois contre la situation dans laquelle ils se sont fourvoyés et contre la société à laquelle ils ont imposé une présence non souhaitée et mal tolérée.
La culture qui se trouve être, volens nolens, une culture d’accueil, ne parvient plus au-delà d’un certain seuil d’infiltra­tion, d’envahissement, d’invasion, à assimiler les immigrés s’ins­tallant sur son sol et y pratiquant obstinément la culture de leur ancien terroir. Ceux qui étaient des « barbares* » de l’extérieur veulent demeurer des « barbares* » à l’intérieur, pratiquent leurs propres coutumes et leurs propres mœurs, défendent leurs pro­pres valeurs même si elles sont incompatibles avec celles du pays d’accueil. Ils sont peu à peu amenés à vivre en marge des lois du travail et des lois de l’Etat, à fomenter de l’intérieur une sorte de révolte civile larvée, qui peut tourner à la guérilla, où les raids de violence s’associent à des campagnes de désobéissance civile.
*[Note : « Barbare » est employé ici au sens  du grec ancien βάρϐαρος / bárbaros (« étranger »), qui était utilisé par les anciens Grecs pour désigner les peuples n’appartenant pas à leur civilisation.]
Dans ce climat de désordre et de dissolution des mœurs, la popu­lation autochtone surprise, gênée, perturbée, soumise parfois à des gestes hostiles ou à une concurrence mal supportée, réagit, proteste, manifeste, cède la place ou s’insurge. Des conflits nais­sent, des violences éclatent et se multiplient. L’Etat, menacé dans sa vie culturelle, désordonné dans ses mœurs, défié dans son auto­rité politique, est mis en péril d’anarchie, en péril de dictature, dernier et funeste recours, ou, tout simplement, de survie.

Il faut reconnaître qu’au-delà d’un seuil assez bien connu, qui peut être, suivant les cultures en cause et la plus ou moins grande bonne ou mauvaise volonté de leurs membres, de l’ordre de 12 à 14 ou 15 %, les conditions de coexistence de ces communau­tés culturelles au sein de la communauté culturelle d’accueil sont de plus en plus conflictuelles. La survie de l’Etat risque d’être menacée, cela veut dire non seulement que la sécurité et l’ordre publics sont en danger, que l’autorité de l’Etat et des institutions est bafouée, mais que la culture elle-même entre en crise, à com­mencer par ses valeurs fondamentales, qui s’embrouillent et tom­bent en confusion ; les mœurs elles-mêmes risquent de se décomposer tandis que l’identité culturelle devient floue et que le sentiment national, la volonté nationale perdent peu à peu leur repère et leur âme.
  • La création des cultures : d’une philosophie de l’histoire à une philosophie des cultures, coll. « Questions », Paris : Presses universitaires de France, 1993. Environ 8 € d’occasion (EBay…)
Extraits, pages 208, 209, 210, 211. 

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